Une publication réalisée par Cuvillon, Marcou, Bernard et Suarez, en collaboration avec la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) en 2019, s’est penchée sur l’anesthésie sous hypnose et a comparé l’effet placebo à l´hypnose.
La vérité, c’est que depuis les années 2000, la science avait déjà dissocié l’hypnose de l’état d’éveil, du sommeil, et de l’effet placebo (contrairement aux spéculations des années précédentes qui le suggéraient). Mais par l’incapacité technologique d’enregistrer les spécificités des zones impliquées dans le cerveau à cette époque, on ne savait pas encore de quelle manière exacte le cerveau en vivait l’expérience.
De nombreuses études plus récentes, en imagerie fonctionnelle (IRM et PET Scan), ont finalement pu démontrer l’activité concrète que l’hypnose générait dans le cerveau. Ces images démontrent que certaines zones dans le cerveau agissent comme filtre, ou comme amplificateur des messages que l’hypnose permet d’induire. Il y aurait deux zones dans le cerveau dont l’activité diminue pendant l’état d’hypnose, et qui sont plus actives pendant l’éveil, ce qui différencie aussi l’hypnose de l’état d’éveil.
« Lorsque des patients sont évalués lors d’une séance d’hypnose, celle-ci présente un niveau de connectivité supérieur à celui de la rêverie et de l’effet placebo. »
Les zones du cerveau les plus actives sous hypnose
- Le cortex cingulaire antérieur : «Centre du désir et de la volonté d’agir. Il joue un rôle clé dans la composante émotionnelle de la douleur.»
- Le cervelet : Il serait très actif pendant l’état d’hypnose, et il serait responsable à 80% de l’activité reliée à des fonctions cognitives de haut potentiel chez l’humain.
- Le précunéus : Elle serait la zone de l’agentivité (sentiment d’être responsable de nos actes). En d’autres mots, responsable du pouvoir de libre arbitre chez l’individu. Ryan Darby, neurologue au VUMC et assistant professeur de neurologie au centre médical universitaire de Vanderbilt, aurait mis en évidence que cette zone était celle de la conscience de soi, de l’imagerie mentale et de l’hypnose.
« Une douleur suggérée en hypnose entraîne un pattern d’activation identique à une véritable stimulation douloureuse. […] Cette activation n’est pas observée lorsque l’on demande aux sujets de simplement « imaginer » la douleur. L’hypnose permet donc d’agir sur les voies de la douleur.»
Éléments critiques
1. Cet article, quoique très intéressant et pertinent, manque toutefois d’informations sur le contexte et la méthodologie dans lesquels ils ont testé l’effet placebo. Nous avons le résultat des imageries cérébrales qui parlent beaucoup d’elles-mêmes certes, mais nous n’avons pas la situation détaillée à laquelle le sujet a été exposé pour en venir à ce résultat, ou pour nous convaincre de celui-ci.
Nous savons que les sujets ont été hypnotisés, mais ne savons pas si c’était leur première expérience en hypnose. De plus, la durée des séances ou les techniques utilisées n’étaient pas précisées. S’agissait-il, par exemple, de sujets particulièrement réceptifs à l’hypnose qui représentent mal la généralité de la population ?
2. Cet article était l’un des premiers à être proposé en utilisant les mots clés « hypnose et effet placebo ». Bien qu’il soit particulièrement complet sur les méthodologies, les contextes, les techniques d’hypnose utilisées et les profils des participants, en ce qui a trait au contrôle de la douleur en contexte opératoire, au final, il aborde peu les différences entre l’hypnose et l’effet placebo.
L’axe principal de cet article est de soulever la pertinence de techniques d’hypno-analgésie. Il semble être conçu pour favoriser ou encourager l’utilisation de l’hypnose et convaincre les professionnels des centres hospitaliers de l’efficacité de celle-ci dans le contexte précis de leur travail du contrôle de la douleur en post et préopératoire.
Implications cliniques
Même si le sujet est brièvement abordé, les preuves parlent fortement d’elles-mêmes. L’information de ces données récentes met en confiance quant au fait que l’hypnose n’est pas un simple effet placebo.
Les preuves en imagerie cérébrale sont généralement bien reçues pour rationaliser un concept et diminuer le scepticisme de certains individus. Cet exemple pourrait aider à appuyer la démystification et l’explication de l’hypnose, si certains clients ont besoin de preuves ou d’exemples afin d’assimiler l’information et de faire davantage confiance au fait que l’hypnose et ses bienfaits sont réels.
Conclusion
- L’état d’hypnose, l’effet placebo, l’état d’éveil, le repos et le sommeil ont tous une activité cérébrale différente et identifiable par imagerie fonctionnelle.
- Les résultats cliniques obtenus grâce à l’utilisation thérapeutique de l’hypnose sont bien réels, ils ne sont pas imaginés ou simplement remémorés : Une personne sous hypnose qui se fait suggérer de ressentir (ou d’atténuer) une douleur, verra son aire cérébrale de la douleur activée. Une personne qui se fait suggérer d’entendre de la musique verra son aire cérébrale auditive activée, même si aucune réelle stimulation sonore n’est utilisée.
- L’hypnose est capable d’interférer concrètement avec les perceptions sensorielles, et donc de favoriser la réinterprétation et la reprogrammation d’un signal, qu’il soit de l’ordre cognitif, perceptif, émotif ou comportemental. L’hypnose est donc bel et bien un outil thérapeutique puissant du changement.
Sources
Cuvillon, P., Marcou, A., Bernard, F., Suarez, B., Thiais, F., & Cuvillon, P. P. (2019). Hypnose et Anesthésie en 2019: état de l’art. https://sofia.medicalistes.fr/spip/IMG/pdf/hypnose_et_anesthesie_en_2019_etat_de_l_art_philippe_cuvillon_nimes_.pdf
Arianne Désy – Éducatrice spécialisée et étudiante en hypnothérapie à l´EFPHQ.